La vaccination
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Des vaccins en trop pour nos animaux
L’AAHA prône une vaccination de base de Fido tous les trois ans, pas avant, peu importe la marque du produit utilisé, peu importe que les directives inscrites sur le contenant. Le manque de recherches scientifiques fiables justifie la retenue, plaide le Dr Welborn.
(Québec) Les propriétaires d’animaux de compagnie sont souvent aux petits soins avec Pitou et Minou. Bien nourris, bien logés, ils font partie de la famille, sont cajolés et, parfois, un peu trop gâtés... Plusieurs sont donc accompagnés religieusement par leurs maîtres dans le pèlerinage annuel chez le vétérinaire ; l’occasion de s’assurer que les excès ne nuisent pas au compagnon à quatre pattes et de lui offrir une série de piqûres qui repousseront le mal. Mais, vous êtes-vous déjà demandé si ces vaccins sont nécessaires ? À quelle fréquence faites-vous immuniser vos bêtes ?
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Infographie Le Soleil
Des vétérinaires québécois recommandent que les animaux de compagnie reçoivent les vaccins de base régulièrement, parfois annuellement ou tous les deux ans, tel que prescrit par les pharmaceutiques sur les boîtes de leurs fioles. Ces produits seraient pourtant efficaces durant plus de cinq ans, voire sept ans, chez les chiens et les chats en santé.
« Lorsque les vaccins de base sont administrés à des animaux adultes, l’immunité qui en résulte dure généralement au moins trois ans. Elle pourrait durer plus longtemps chez certains animaux », explique au Soleil le Dr Link V. Welborn, joint par courriel en Floride, où il pratique. Notre correspondant connaît bien le sujet, puisqu’il dirige le comité de l’American Animal Hospital Association (AAHA) édictant les lignes directrices en matière de vaccination.
Donc, il est maintenant admis dans la profession que l’immunisation de base est valide « au moins trois ans ». La plupart des pharmaceutiques présentes dans le marché des animaux de compagnie adhèrent aussi à ce calendrier, même si plusieurs inscrivent encore sur les étiquettes de leurs produits qu’ils doivent être administrés chaque année, écrit le Dr Welborn.
Pour Pitou
La plus récente mouture des recommandations destinées aux vétérinaires, publiées en 2011 par l’AAHA, va encore plus loin que le spécialiste. Pour Pitou, on y conseille une immunisation de base contre trois principaux virus. Alors, combien de temps résistera votre toutou une fois traité contre la maladie de Carré (le distemper) et le parvovirus ?
« Parmi les chiens en bonne santé, tous les vaccins commercialisés contre [ces virus] devraient induire une réponse immunitaire protectrice soutenue durant au minimum cinq ans. »
On étire même le délai de résistance contre l’hépatite (adénovirus) : « Parmi les chiens en bonne santé, tous les vaccins commercialisés devraient induire une réponse immunitaire protectrice soutenue durant au minimum sept ans. »
Malgré cela, l’AAHA prône une vaccination de base de Fido tous les trois ans, pas avant, peu importe la marque du produit utilisé, peu importe que les directives inscrites sur le contenant. Le manque de recherches scientifiques fiables justifie la retenue, plaide le Dr Welborn.
Pour Minou
Pour les chats ? Toujours pour la vaccination de base, les lignes directrices de l’American Association of Feline Practitioners (AAFP) diffusées en 2006 invitent aussi les vétérinaires à piquer Ti-Mine « pas plus souvent qu’aux trois ans ».
Et les vétérinaires québécois, ils en pensent quoi ? Nous avons joint au hasard quelques cliniques ainsi que des pensions animales histoire de vérifier si ces lignes directrices sont bien accueillies. Certains embrassent le plan de match de l’AAHA. Un exemple : l’Hôpital vétérinaire des Seigneuries, propriété du président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, Joël Bergeron, n’inocule les produits de base aux chiens et aux chats que tous les trois ans. Même délai pour ceux contre la rage.
Le propriétaire d’une « auberge » pour animaux nous a toutefois déclaré que certains médecins exigent encore des rappels annuels sur les certificats de vaccination de ses pensionnaires. Des cliniques nous ont aussi proposé des rappels tous les deux ans.
L’Association canadienne des médecins vétérinaires soutient également que des vaccins de base ne sont performants que durant 12 mois. « Ça dépend du vaccin, ça dépend du manufacturier, ça dépend de l’étiquetage. Certains sont bons pour un an, d’autres sont bons pour trois ans ; ça dépend lequel on injecte », affirme le Dr Warren Skippon, gestionnaire, enjeux nationaux et bien-être des animaux.
Les vétérinaires ne sont pas seuls à vacciner plus souvent que recommandé. La fondation Mira, par exemple, pique ses animaux reproducteurs chaque année, les autres chiens-guides tous les deux ans, même si la pharmaceutique fournissant leurs vaccins de base a clairement indiqué que ces traitements sont valides durant au moins trois ans. On préfère jouer de prudence, note la responsable de la santé animale Josée Depars.
Visite annuelle
Alors, vous pouvez sauter sur le téléphone pour annuler votre prochain rendez-vous chez le vétérinaire ? Ce n’est pas si simple. Quoique la vaccination de base, ainsi que l’immunisation contre la rage, protège votre compagnon durant « au moins trois ans », il reste que le style de vie de votre toutou pourrait justifier d’autres piqûres.
Pour Minet, c’est un peu plus facile : les produits valides quelques années devraient suffire, selon les recommandations de l’AAFP. Pour Fido, la panoplie de vaccins est plus variée. Voilà pourquoi nous avons insisté sur la terminologie « vaccin de base ».
Les animaux qui fréquentent les « garderies » pendant les vacances des maîtres recevront fort probablement le vaccin contre la toux de chenil (Bordetella). Le chien qui marche en forêt pourrait être protégé contre la leptospirose. Ces maladies sont causées par des bactéries et l’immunisation est totalement inefficace après 15 mois, explique la Dre Marie Le Cornec, clinicienne à l’hôpital de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Elle y est responsable de la formation des étudiants finissants.
Autre mise en garde. Il n’est question ici que des vaccins injectés aux animaux adultes. Les chiots et les chatons sont inoculés beaucoup plus souvent que leurs parents.
Le choix revient à chaque clinique et à ses clients
Ni l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, ni l’Association canadienne des médecins vétérinaires n’émettent de recommandations quant à la fréquence de la vaccination des animaux de compagnie, contrairement à leurs collègues étatsuniens. À chaque clinicien de décider... de concert avec le client.
« Nous n’avons pas de politique générale qui dicte la vaccination, commente le Dr Warren Skippon, gestionnaire enjeux nationaux et bien-être des animaux à l’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV). Nous laissons le vétérinaire, en consultation avec le propriétaire du chien ou du chat, recommander un plan de vaccination.
« L’ACMV conseille toutefois que les propriétaires d’animaux visitent régulièrement leur vétérinaire, une fois l’an par exemple, pour un examen de santé. La vaccination fera partie de cet examen. »
Dans une prise de position révisée en mars 2012, l’ACMV se mouille toutefois un peu plus : « Les données sur la sérologie et les tests de provocation, ainsi que des groupes d’experts suggèrent que la vaccination peut fournir une immunité qui dure au-delà des recommandations de l’étiquette des vaccins pour certaines maladies virales. »
Fréquence qui s’étire
Le président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ), le Dr Joël Bergeron, observe que la fréquence des rappels tend à s’étirer. Son organisation n’émet cependant pas de directives en la matière.
Dans sa clinique, M. Bergeron applique néanmoins les normes étatsuniennes, aussi enseignées à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal : il prescrit les vaccins de base, et celui contre la rage, tous les trois ans. La déontologie de la profession n’oblige toutefois pas ses confrères et consoeurs à le suivre. Il souligne par contre que le praticien a « un devoir d’information » auprès du client ; les propriétaires de chiens et de chats devraient donc connaître les développements en matière de vaccination.